Guinée : les jeunes misent sur le sport pour ramener la paix à N’zérékoré

A N’zérékoré, en Guinée, la violence est récurrente depuis 1991. Depuis quelques mois, des jeunes se sont regroupés en associations. Ils parient sur le sport comme un moyen de retour à la paix.

Située au sud-est de la Guinée, Nzérékoré est la plus grande agglomération de la Guinée forestière et la troisième ville de la Guinée. Elle a une superficie de 37 653 km² et partage les frontières internationales avec la Côte d’Ivoire à l’Est, le Libéria au Sud et la Sierra Leone. Sa population est de 1 578 030 habitants selon le recensement général de la population et de l’habitat de 2014. Considérée comme le grenier de la Guinée, la ville est aussi riche de sa diversité de communautés ethniques notamment les Guérzé (Kpèlè), Toma, Kissi, Manon, Könön, Konianké, Malinké, Peuhl et Soussou. Mais depuis 1991, elle fait face à des violences récurrentes notamment les affrontements intercommunautaires, politiques et religieuses parfois. Les derniers événements remontent au double scrutin (le référendum constitutionnel et les législatives) du 22 mars 2022. Au moins 30 personnes ont perdu la vie selon des ONG de défense des droits humains, de nombreux blessés, des biens publics et privés vandalisés et ou incendiés. 

A cause de ces violences récurrentes, beaucoup de sociétés ont plié bagages. C’est le cas de la société minière brésilienne VALE qui a, elle-même, payé les frais en 2012. Ses installations à Zogota ont été vandalisées et pillées suite à une manifestation des communautés réclamant le recrutement de leurs enfants au sein de la société. 

Pour renverser cette tendance et après d’autres stratégies infructueuses pour le retour à la paix, les jeunes ont décidé de passer par le sport. Il y a quelques mois, plusieurs associations de jeunesse ont décidé de mettre sur place “Zaly Marathon”.  Chaque dernier dimanche du mois, ce sont des centaines de jeunes qui se donnent rendez-vous à la place des martyrs pour parcourir environ 6 kilomètres. Un moment de rencontre, de partage, de raffermissement des liens.

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Mobiliser les jeunes pour la paix

Amadou Kaba est membre du “Grin sportif”, l’une des associations organisatrices de ce marathon. Il pense qu’à travers le sport, il est plus facile de véhiculer des messages de paix. 

« Nous avons constaté avec beaucoup d’amertume que notre ville est toujours citée en mauvais exemple avec les conflits sociaux. Le sport étant un facteur de rassemblement et d’union, nous avons décidé d’initier ce marathon pour réunir les jeunes qui sont au centre de tous ces conflits, autour d’un idéal qui est la paix. Pour cela, nous sommes passés par des associations sportives et d’autres jeunes influents de la ville dont les voix comptent. Et, nous profitons de ces moments pour passer des messages de paix, de tolérance et du vivre ensemble. Quelqu’un l’a dit, « la paix n’est pas un vain mot mais un comportement ». A travers donc cette initiative nous forgeons les gens à adopter  des comportements responsables », dit-il.

“Zaly Marathon” qui se tient chaque dernier dimanche du mois est à sa quinzième édition. Pour Mamady 2 Camar, membre de weekend-sport, une autre structure organisatrice, le bilan est positif. Le nombre de participants s’accroît et l’événement suscite beaucoup d’engouement. 

« Au début, nous étions à une dizaine et aujourd’hui nous sommes à des centaines de participants. Avec cette évolution, nous pensons que nous allons atteindre notre objectif, une paix définitive à N’zérékoré », ajoute-t-il.

« Le fait de se rencontrer ici a permis de changer les choses et nos liens d’amitié se sont renforcés »

Jeunes leaders, militants ou responsables de partis politiques, ouvriers, élèves ou étudiants, sportifs… Zaly Marathon draine des jeunes issus de différentes corporations. Mory Kaba est un militant politique, à travers cette organisation, il a fait connaissance avec d’autres jeunes qui militent pour d’autres partis politiques. 

« Le sport c’est non seulement pour notre santé mais ça permet de se retrouver et de renforcer nos liens. Moi je suis un activiste politique et c’était toujours des tensions avec certains adversaires qui pensent que la politique c’est l’animosité. Mais le fait de se rencontrer ici a permis de changer les choses et nos liens d’amitié se sont renforcés. Aujourd’hui, on chahute et nous faisons d’autres choses en dehors du cadre du marathon. Il y a également des jeunes qui se dépassaient en ville sans se saluer, mais à travers cet événement, ils se côtoient. Donc, le marathon a permis de changer certaines choses et petit à petit nous espérons que N’zérékoré va renouer avec la paix », soutient ce jeune activiste politique. 

Venue récemment à N’zérékoré, Dr Fatou Sanogo a réussi à s’intégrer à travers cet évènement. Elle souhaite que l’initiative continue.

« Mon objectif à ce marathon c’est pour perdre un peu de poids. Ce n’est pas facile de faire du sport tout seul, mais avec le groupe, ça motive et permet de rester dynamique. Personnellement, à travers ce marathon, j’ai fait d’autres connaissances. Je me sens chez moi même si je viens d’arriver à N’zérékoré. Je me sens intégrée. Notre pays a besoin de ce genre d’initiative. C’est un bon départ et j’espère que ça va continuer », apprécie la jeune dame. 

Des choses à améliorer 

Pour avoir plus d’impact et atteindre les objectifs, certains participants suggèrent aux organisateurs que le marathon soit hebdomadaire au lieu d’attendre le dernier dimanche du mois. Au-delà du sport, l’on propose également des actions civiques notamment l’assainissement et des campagnes de sensibilisation à la citoyenneté active. 

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